Invités chez nos enfants dans le sud abbevillois, nous nous remémorons, au fond de leur propriété, un vieux bâtiment ayant appartenu à une ferme maintenant disparue.
Avec soulagement, nous constatons qu'il est toujours debout: nous y avions fait une étrange découverte.
Le plafond du bâtiment est isolé avec de la paille.
La paille: un matériau naturel, écologique, qui ne se décompose pas comme le foin, qui ne présente aucun risque d'allergie ou d'émission de composés nocifs. Les combles bien ventilés et les murs en torchis permettaient d'évacuer l'humidité et de ce fait augmentaient la durabilité du matériau.
Ils étaient à la pointe du progrès les anciens !
Mais . . . . . quelle paille ?
Les capsules encore présentes nous permettent d'identifier la paille de pavot.
A une certaine époque, aurait-on cultivé le pavot en Picardie ?
Une énigme que nous venons de résoudre !
Soudainement, mon mari se remémore des images de son enfance, des images de champs très colorés qui n'étaient pas des champs de coquelicots mais d'oeillettes.
L'oeillette est un pavot, Papaver somniferum, dont la culture fut introduite en France et en Allemagne à la fin du 19ème siècle.
De ses graines était extraite, après une première pression à froid, une huile de qualité à l'odeur fruitée utilisée en assaisonnement. Cette huile, appelée aussi olivète, présente des vertus thérapeutiques très intéressantes: elle préviendrait des excès de cholestérol et donc des risques cardiovasculaires.
L'huile de seconde pression à chaud était appréciée en peinture.
Ce cultivateur avait donc utilisé la paille de sa production d'oeillette pour réaliser une isolation végétale du plafond de son bâtiment.
P.-S. :
Effectuant des recherches plus approfondies sur l'oeillette, j'apprends que les moulins produisant de l'huile se nommaient les "tordoirs d'huile" (des villages ont une rue du tordoir). Ils pouvaient être à vent ou à eau. Des pilons écrasaient les graines oléagineuses ( colza, lin, oeillette, navette, camomille, cameline, chènevis ...) pour en exprimer l'huile. Selon sa nature, l'huile servait à la fabrication de savons, de peintures, à l'éclairage ou à la consommation.
A Cassel, un moulin a été sauvegardé. Il moud les céréales, il est aussi "tordoir d'huile".