Au coeur d'une obscure forêt étaient réunis des arbres de diverses espèces venus relater leurs mésaventures.
Tous avaient à se plaindre de maux causés par les hommes. Ils parlaient ensemble dans un grand brouhaha, et aucun ne cessait, jusqu'à ce que le Séquoia, dont la haute stature dominait l'assemblée, imposa le silence autant que le respect.
Ce ne fut qu'une fois le calme revenu que sa voix descendit, comme tombée des nues, pour proposer que chacun prenne la parole, séparément, pour éviter un concert de casseroles.
Voyons voir qui a le plus ici à se plaindre, est-ce le plus fort ou le plus malingre ?
Justement, j'en vois des plus petits, il me semble ?
Tous durent se baisser pour les voir. Malgré leur petite taille, ceux-ci semblaient heureux et satisfaits du sort qu'on leur réservait, tous petits et nanifiés.
- Comment faites-vous pour accepter ce destin ?
- Cela ne vous blesse pas d'être pris pour des nains ?
- Vivre ou survivre dans des pots et ressembler ainsi à
des arbres en conserve ?
Que nenni, répondirent-ils tous en choeur, cette vie nous convient, elle fait notre bonheur . . . . .
- Qui chez vous prend la peine de vous arroser ?
- Qui s'occupe de vos soins et de votre santé ?
- Qui s'inquiète de vous rentrer au chaud quand les frimas
arrivent et qu'il ne fait pas beau ?
Personne, sinon vous ne seriez pas là à gémir, à étaler vos tourments jusqu'à en frémir . . . . .
Croyez-nous, si nous devions changer de vie, ce ne serait pas pour la vôtre, dans l'existence, rien ne sert de s'exhiber, on vit plus heureux lorsqu'on est discret . . . . .
Il faut voir aussi ceux qui vous aiment, tous ces amoureux qui vous caressent de la main et gravent leurs noms dans votre écorce . . . . .
Certains hommes ne s'appuient-ils pas simplement contre vous ? Non pour ressentir l'amour des vibrations de votre tronc, mais tout simplement pour uriner . . . . .
Nous portons en nous les traitements dispensés par notre maître. Il a su découvrir notre personnalité, accepter notre caractère pour ne mettre en valeur que nos qualités.
Gratifiant ce jugement porté par ces petits arbres sur les bonsaïka !
D'après un texte d'Alain Gratpanche intitulé " A ceux qui critiquent l'art du bonsaï ..."